Depuis plusieurs années, le nombre de cas de cancer est en forte augmentation en France. Selon la fondation ARC, c’est désormais la première cause de mortalité dans le pays. Cette maladie, sous toutes ses formes, touche toutes les familles. Nous avons tous un proche qui a traversé ces épreuves. Parfois, les histoires sont encore plus poignantes, notamment quand le cancer frappe de jeunes parents. Papa et cancer ne sont pas des termes que l’on associe généralement. Pourtant, c’est aussi une réalité.
Je vais vous raconter l’histoire de Guillaume. Deux mois et demi après être devenu père, il bascule en 24 heures dans un autre monde. Son pronostic vital est engagé. C’est son amour pour son fils qui le sauve, lui donnant l’envie de se battre. L’histoire de Guillaume va au-delà de celle d’un père et du cancer. C’est une histoire d’amour, de force et de résilience qui conduit à une prise de conscience et à un changement de vie. C’est l’histoire d’un homme solaire, simple et authentique, qui a su transformer le négatif en positif et le drame en bonheur intense.
Le jour où tout a basculé
Guillaume vit dans le Sud de la France depuis avril 2016. Travailleur acharné, il est en déplacement « du lundi au vendredi, à travers l’Europe » pour un grand groupe. En couple, il devient papa, un peu par surprise, à 40 ans. « J’ai toujours voulu être père mais cela ne se produisait pas. Et un jour, j’ai reçu le plus beau cadeau pour mes 40 ans ! ». Cependant, il ne modifie pas son engagement professionnel. « J’étais peu impliqué dans ma paternité, pris dans l’agitation du travail et les fausses excuses ».
Un jour, en novembre 2016, alors que son fils Paul a deux mois et demi, tout bascule. Guillaume tombe gravement malade et est emmené aux urgences en soins intensifs. Son pronostic vital est engagé. « On m’a dit que dans deux à quatre heures, la vie pouvait s’arrêter ». La nuit qui suit est difficile. L’équipe médicale tente de le stabiliser grâce à la cortisone et aux injections de prises de sang et de plaquettes. Le lendemain matin, le diagnostic tombe. « J’ai entendu pour la première fois de ma vie le mot leucémie, le cancer du sang. Le mot cancer a été prononcé ».
Une vie en suspens
Avec le diagnostic posé, les choses s’accélèrent. « J’étais devenu un X-men, mes brins d’ADN avaient muté. On m’a dit qu’ils feraient tout pour me sauver la vie mais qu’il n’y avait que 2 % de chance de m’en sortir ». Guillaume commence alors un traitement de huit mois. Après quatre mois de chimiothérapie, l’équipe médicale procède à une greffe de cellules souches. « Ma mère a été ma donneuse. Elle m’a donné la vie une seconde fois ».
Durant ces huit mois, Guillaume reste en chambre stérile. « Quand j’ai quitté la maison pour aller en urgence à l’hôpital, je n’ai même pas eu le temps d’embrasser ma femme et mon fils. Et quand j’ai appris le diagnostic de mon cancer, je ne savais même pas si j’allais les revoir ». Pendant cette période, il ne peut voir son fils. « Je m’accrochais à nos appels vidéo ».
Son fils, son moteur
Durant son isolement en chambre stérile, toutes ses pensées se tournent vers son fils Paul. « Je passais mon temps à faire défiler les photos de mon fils sur mon téléphone ». Sous morphine 24h/24, il plane un peu. « Les infirmières me disaient que durant mes « délires », je ne parlais que de mon fils ». Cette période change tout pour Guillaume. « J’ai pris conscience de l’importance de mon fils. Je me disais que je ne pouvais pas mourir. J’avais attendu 40 ans pour qu’il soit dans ma vie. Je voulais être avec lui. C’était mon moteur. Mon moteur psychologique, physique, moral et mental ».
Son fils lui donne la force de s’en sortir. « Sans enfant, je ne sais pas si j’aurais autant lutté. Il m’a apporté cette énergie. Et il avait toujours le sourire durant nos vidéos. Je devais me battre pour lui ». Guillaume se fait alors une promesse. « Si je m’en sors, mon fils sera ma priorité. Ce sera lui ou rien d’autre. Il m’a tellement donné que c’était impossible de ne pas lui redonner du temps ». Papa et cancer ou le début d’un changement de vie…
Une vie à reconstruire
Fin 2017, Guillaume sort de l’hôpital. C’est alors le début d’une lente reconstruction. « J’ai perdu 54 kg durant mes huit mois à l’hôpital. Et à ma sortie, j’ai enchaîné deux ans et demi difficiles avec des complications, des traitements violents, des alternances très fortes dans mon moral, … ». Et évidemment, ce n’est pas simple non plus pour son entourage. « C’était dur pour ma femme mais elle a été hyper courageuse ». Malheureusement, une telle maladie laisse des traces et le couple finit par se séparer.
Fidèle à sa promesse, Guillaume décide malgré tout de s’occuper de son fils. « Il devait aller à la crèche mais j’ai décidé de m’en occuper. Vu mon état, c’était parfois difficile. Mais j’étais soutenu par mon ex-femme et mon ex-beau-père ». Et comment aborder le cancer avec son enfant ? « On a tout fait pour préserver Paul. Mais ce sujet a été une source de tensions au sein de notre couple. Mon ex-femme ne voulait pas en parler (elle avait déjà perdu sa mère et sa sœur d’un cancer). Et moi je voulais ne rien lui cacher. Je voulais lui en parler mais avec des mots d’enfants. Cela fait partie de mon quotidien. Durant ma convalescence, j’avais 27 médicaments à prendre par jour et quatre visites par jour des infirmières. On ne pouvait pas le lui cacher. Aujourd’hui, j’ai juste un rendez-vous de contrôle à l’hôpital tous les deux mois et il le sait. Il n’entend pas le mot cancer mais les mots hôpital, ou fragilité ». Pour un jour lui dire toute la vérité et lui raconter tout ce qu’il lui a apporté, Guillaume lui a écrit une lettre. « Je la lui donnerai quand il aura 18 ans… ou quand il sera père ».
Le choix de nouveaux essentiels
Fin 2019, Guillaume se rétablit et s’apprête à reprendre son travail. « Mon entourage m’a alerté que je risquais de retomber dans mes anciennes habitudes, dangereuses pour ma santé ». Ces mots résonnent pour Guillaume et provoquent un déclic. « Je me suis demandé quel père je voulais être. J’ai compris que j’avais eu une deuxième chance et que je devais la saisir ». Changer de vie pour se reconnecter à l’essentiel. Guillaume décide de quitter son emploi. Il entame alors un bilan de compétences pour trouver un métier avec du sens et un bon équilibre entre vie professionnelle et personnelle. Il choisit de devenir coach et formateur. Son ancien manager comprend et lui propose de retravailler ensemble, mais en tant qu’indépendant et à ses conditions.
Ses nouveaux essentiels sont posés. « Je veux pouvoir décider et m’organiser comme je veux. Ce qui me guide c’est mon temps, mon énergie et mon fils. J’ai décidé de positiver ma colère. Finalement, le cancer a été une chance pour moi. C’était très dur. Mais quand je vois qui je suis aujourd’hui, je me dis que je devais en passer par là ». Guillaume résume ses nouveaux essentiels en une phrase. « Je gagne deux fois moins ma vie mais je suis mille fois plus heureux ».
L’équilibre vie pro-vie perso du papa
Le duo « Papa et cancer » crée sa nouvelle vie. Aujourd’hui, suite à son divorce, Paul est en garde alternée une semaine sur deux. Et Guillaume s’occupe de Paul tous les mercredis. « Les semaines où j’ai Paul, je termine de travailler à 16h. Et si besoin (mais c’est rare), je retravaille à 21h. Les semaines où il n’est pas avec moi, c’est le même rythme mais avec du temps pour moi ». Guillaume peut ainsi se consacrer à ses passions comme le sport ou la batterie. « Aujourd’hui, je travaille à 70 % de mon temps ». Finalement, le papa trouve ce rythme assez simple à respecter. « Il suffit de le décider. Je sais que c’est le bon rythme pour mon fils et pour moi. Alors c’est naturel ».
Guillaume en profite pour faire beaucoup d’activités avec son fils. « On fait beaucoup de sport ensemble. Du tennis, du judo, de la natation, … Mon père travaillait beaucoup et s’occupait peu de moi. Mais à mes 7 ans, il m’a inscrit à l’escrime et nous partagions beaucoup de moments autour de ce sport. Cela m’a marqué. Je veux faire la même chose avec mon fils ».
Un apprentissage de la vie à transmettre
Fort de son histoire de vie, Guillaume essaie de transmettre ce qui est important pour lui. « Je lui apprends que l’objectif n’est pas de gagner mais de faire de son mieux. Et surtout que l’on peut tomber mais qu’on peut se relever ». Pour cela, le papa mise sur le temps passé ensemble et les mots. « Je lui explique quotidiennement qu’il est positif. Que même s’il ne réussit pas, il apprend et avance. Et je lui dis que j’ai confiance en lui, qu’il est capable, qu’il peut y arriver ». Guillaume s’est inscrit à un marathon. Paul lui dit qu’il va ramener la coupe. « Je lui dis que je ne veux pas la coupe. Je veux réussir à terminer le marathon pour ensuite que nous le fêtions ensemble ».
Pour Guillaume, sa vie post-cancer est une renaissance. « Cela fait cinq ans que mon fils est dans ma vie. Et j’ai l’impression d’en profiter vraiment depuis deux ans. J’essaie de rattraper tout le temps perdu. Et quand je vois notre complicité, je me dis qu’on y arrive à deux… ».
Une leçon de vie
Guillaume a finalement réussi à transformer « papa et cancer » en « papa et vie ». « Peut-être que dans dix ans, je retravaillerai beaucoup. Mais là, je suis heureux comme jamais. Je suis au bon endroit. Je reçois beaucoup de lui. J’aime le papa et l’homme que je suis ». Et Paul, son fils, est lui aussi heureux de voir son papa si présent. « Je me souviens d’une fin de journée où nous avions fait plein d’activités ensemble. Au moment du bisou du dodo, Paul me serre très fort. Et il me dit « Papa, je t’aime plus fort que 10 000 milliards de fois que l’univers ». J’ai fermé la porte et me suis effondré durant 15 minutes. La vague de notre amour est si puissante… ».
De son propre aveu, sa maladie a métamorphosé Guillaume. « Sans cette épreuve, je ne serais pas autant impliqué auprès de mon fils. Je le serais mais pas autant. À 40 ans, j’ai vécu la paternité et la mort. J’ai pris conscience que je pouvais mourir. Avant que la mort ne revienne, je veux vivre pleinement ». Et quand on voit toute l’énergie qui rayonne autour de Guillaume, on se dit qu’il vit pleinement. Plein d’amour. Tout simplement.